Blanc poétique·Carte poétique·Constellation·L'eau tissée des lavoirs·Stéphane Mallarmé

D’une carte, un poème

« RIEN / N’AURA EU LIEU / QUE LE LIEU /

EXCEPTÉ / PEUT-ÊTRE / UNE CONSTELLATION ».

Stéphane Mallarmé, un coup de dés jamais n’abolira le hasard

En observant longuement la carte des lavoirs autour du village de Lilia , je me disais que ces innombrables trous d’eau semblaient être, dans les terres, le parfait miroir de l’archipel d’îles et rochers qui se déployait au large.

En partant à la recherche de chacun d’eux, à force d’allers et retours, les mots de Mallarmé me revinrent et , sur la carte, m’apparut alors ….la constellation.

Ce récit du Chant 13 de L’eau tissée des lavoirs vous est raconté ICI

Je voyais alors la carte autrement : une constellation de lavoirs se déployait sous mes yeux autour d’ un vide : les zones sans le moindre lavoir.

Les points bleus devenaient des mots, autant de dés jetés dans l’espace et l’absence de lavoirs au centre de Lilia se faisait page blanche, silence, respiration.

Je voyais l’écriture du poème , je voyais Le coup de Dés de Mallarmé;

Un coup de dés Jamais n’abolira le hasard, S. Mallarmé, extrait

« Le poème s’imprime, en ce moment, tel que je l’ai conçu ; quant à la pagination, où est tout l’effet. Tel mot, en gros caractères, à lui seul, domine toute une page de blanc et je crois être sûr de l’effet. [..] La constellation y affectera, d’après des lois exactes, et autant qu’il est permis à un texte imprimé, fatalement, une allure de constellation. Le vaisseau y donne de la bande, du haut d’une page au bas de l’autre, etc. : car, et c’est là tout le point de vue (qu’il me fallut omettre dans un « périodique »), le rythme d’une phrase au sujet d’un acte ou même d’un objet n’a de sens que s’il les imite et, figuré sur le papier, repris par les Lettres à l’estampe originelle, en doit rendre, malgré tout quelque chose. »

Lettre de Stéphane Mallarmé à André Gide, 14 mai 1897 (extraits).

 Paul Valéry Écrits divers sur Stéphane Mallarmé, NRF, 1950

« Il a essayé d’élever enfin une page à la puissance du ciel étoilé » Paul Valéry.

  « Other maps are such shapes, with their islands and capes!     But we’ve got our brave Captain to thank » (So the crew would protest) « that he’s brought us the best–     A perfect and absolute blank! »

La carte de l’homme à la Cloche, La chasse au snark, Lewis Carroll


Vertige ! Voici que frissonne
L’espace comme un grand baiser
Qui, fou de naître pour personne,
Ne peut jaillir ni s’apaiser

Eventail de Mademoiselle Mallarmé

Stéphane Mallarmé

Ce qui saisit de vertige le lecteur sur le seuil de ces pages c’est l’immensité du blanc, tout d’abord cette absence, cette clameur de l’Impossible qui s’en dégage, c’est l’absolue solitude dans laquelle se détachent les vers brisés en éclats irréguliers. Émiettement, dispersion, diffraction des points de vue. Isolement des mots et des syntagmes sculptés par les suspens, les soupirs et les étirements du blanc qui leur confère une silhouette presque hiéroglyphique, mystérieux semis de mots-étoiles aimantés pour former des constellations dans le ciel divinatoire de la page.

Le blanc s’y offre à la fois comme expérience de la mort et du néant, désolation du désert, naufrage d’un navire ayant, dans la tempête, perdu tout repère. Mais aussi, dans un autre souffle, espace miraculeusement ouvert à la plasticité du Verbe, à ses dispersions comme à ses compactages, à ses dérives comme à ses rassemblements, à la turbulence de ses différents états, du nuageux au sidéral, à ses recompositions infinies visuellement et musicalement réalisées par un lecteur souverain… Les modulations du blanc opérant dans la page comme un zéro en mathématique, alliées aux variations des corps typographiques, « dictent l’émission » et constituent le poème en véritable « partition typographique ».

Rompu, le poème s’offre comme estampe, paysage voilé, spectacle en suspens dans ses jeux avec les graisses, les corps, les casses : l’art typographique semble inventer une nouvelle langue enfantée par l’espace : « Ici, véritablement l’étendue parlait »

Surface et profondeur : les savoirs de la page, Anne Zali

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Spéciale dédicace à Isabelle Duval DesRoses-Estienne

2 commentaires sur “D’une carte, un poème

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